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Indira Quintero Fonseca

Hautbois Baroque

Texte original de Jill Girgulis 

Traduction en français par A. Barbet

 Entretien réalisé en Novembre 2020

Publié en Décembre 2020

Crédit photo : Pablo Vargas Unfried

La hautboïste Indira Quintero Fonseca ne le sait que trop bien, apprendre un nouvel instrument en tant que professionnelle n'est pas une tâche facile. D’abord dévouée au hautbois moderne, elle se dédie au répertoire baroque en 2016.

 

« J'ai réalisé que le répertoire pour hautbois baroque était très prolifique, son âge d’or… », explique-t-elle. Cette Costaricienne d’origine vit alors en Suisse et vient de terminer son master en pédagogie musicale pour hautbois à la Haute école de musique de Genève.

 

Confrontée à la possibilité d'auditionner pour des postes d'orchestre de hautbois modernes afin de rester en Suisse, son pays d'adoption depuis huit ans, Indira choisi d'élargir sa formation et de se plonger dans l'interprétation historique.

 

« J'ai réalisé que j’étais là, avec cette opportunité d'étudier avec un excellent professeur et faire partie d’ensembles de musique baroque de qualité. Cela ne faisait aucun sens de refuser », explique-t-elle. « J’ai alors commencé un autre master, cette fois en hautbois baroque ! » Elle obtient ce second diplôme en 2019, mais avoue que la transition du hautbois moderne au baroque n'a pas été simple.

 

« J’ai découvert très vite qu’il est difficile de passer d’un instrument à un autre. Lorsque vous êtes musicienne professionnelle et que vous commencez un nouvel instrument, même s'il appartient à la même famille, vous avez l'impression que c’est la première fois », rit Indira. « Cela ne sonne pas bien, rien ne semble satisfaisant. Lorsque vous avez de grandes attentes, que vous vous imaginez comment cela devrait être et que vous n'êtes pas en mesure de l’interpréter, cela devient difficile! »

 

Selon l’artiste, le courage et la persévérance sont les clés d'une bonne transition. Malgré les difficultés, le découragement et la vulnérabilité, Indira estime que sa décision en valait la peine. Elle lui permet aujourd’hui de bien comprendre le répertoire composé pour le hautbois baroque.

 

« Vous devez être humble... Il faut une bonne connaissance de soi-même et de la façon dont vous abordez l'instrument », conseille-t-elle. « Il y a des recherches historiques à effectuer. Ce n'est pas seulement une question de "Je vais jouer ça parce que je le veux", ou parce que "le professeur m'a dit que c'était la bonne façon…" Non, il faut vraiment lire entre les lignes, au-delà de l'instrument, et vous demander "Pourquoi cette interprétation?" »

 

Indira résume ses trois premières années de transition très simplement. « La première année, c’était juste l’enfer; la seconde le purgatoire, et maintenant je suis au paradis ! »

 

Indira est aussi attirée par un autre élément de la performance historique, cette collaboration du hautbois inhérente à une grande partie du répertoire. « Le hautbois baroque est un partenaire pour les autres instruments, loin des œuvres solistes modernes. Bien sûr, il y a des concertos, des sonates, mais l’accompagnement avec les instruments est toujours présent », assure-t-elle.

 

« C'est très agréable, car lorsque vous apprenez à jouer, et même si cela ne sonne pas correctement et que vous vous sentez mal, vous pouvez toujours accompagner les autres. C’est une richesse significative, l’essence du musicien. »

 

Dans son expérience, Indira a constaté « qu’avec l'approche moderne, vous commencez à jouer seul, à pratiquer vos gammes tout en essayant de dominer l’instrument. En musique baroque, la collaboration musicale est plus précoce. » Elle voit la musique de chambre comme une sorte de "thérapie de groupe" lors de l’apprentissage de ce nouvel instrument.

 

« Cette expérience fût profitable, dit Indira. J'ai remarqué que les musiciens qui font de la musique de chambre sont capables d’offrir une meilleure sonorité, mais aussi une meilleure technique plus rapidement que d’autres musiciens, peut-être plus timides, à leurs débuts, dans l’interprétation avec les autres. »

 

Il est difficile de croire qu’avec tant d’années de formation universitaire à son actif, Indira n’était à priori pas sûre de pouvoir étudier la musique à l’université. « Ici, au Costa-Rica, être musicienne, ce n'est pas une profession très reconnue. Les gens disent qu'il faut étudier quelque chose qui compte vraiment. J’avais heureusement le soutien de ma famille, mais malgré cela, une petite voix persistait dans ma tête me disant que je devrais choisir un "vrai" métier. »

 

Elle remercie d’ailleurs l’un de ses professeurs de l’Université du Costa Rica pour l’avoir éveillée à l’éducation musicale et encouragée tout au long de son cursus.

 

Finalement, après son diplôme, Indira choisit de travailler comme indépendante puis acceptera un poste d’administration musicale au Conservatoire (Genève). Un emploi qui implique à la fois l’approche du hautbois moderne et baroque. Elle occupera ce poste jusqu'à ce que les réglementations sur la nationalité suisse l’empêchent, en tant que citoyenne non-européenne, de rester sur le territoire.

 

« J'ai voulu rester en Suisse, mais avec tout ce que j'ai vécu et appris, il était peut-être temps pour moi de revenir au Costa-Rica et d’offrir quelque chose à mon pays », dit-elle. « Je voulais offrir une ouverture d’esprit et des opportunités à ceux qui veulent apprendre le hautbois, ou tout simplement la musique. Leur faire profiter de mon expérience, celle d’une musicienne d’Amérique Latine qui a étudié en Europe pour finalement rentrer au pays. »

 

Depuis janvier 2020, Indira est de retour au Costa Rica. Elle évoque un tourbillon : « j'étais plein d'énergie et j'essayais de contacter tout le monde car cela faisait une décennie que je n’étais pas rentrée. » L’expérience est aujourd’hui différente avec la pandémie. « Ce n'était pas le moment idéal pour revenir, reconnaît-elle tout en insistant, mais je suis là et j'essaie de faire de mon mieux pour contribuer à quelque chose. »

 

De retour dans ce pays qui l’a vu grandir, elle espère développer cette communauté, parfois discrète, vouée à la musique baroque. Elle désire ainsi, créer un jour, avec un peu de chance, un département à l'université locale dédiée à la performance historique tout en partageant son expérience d’étudiante européenne. « Plus les musiciens joueront du baroque, plus le public s’y intéressera », dit-elle. « Ce serait extraordinaire ! Les opportunités existent, cela demande juste beaucoup de travail ! »

Actuellement, Indira enseigne le hautbois et la musique dans une école locale, mais avec les nouvelles modalités du processus d'apprentissage instaurées à cause de la pandémie - comme donner des cours via Zoom - elle est confrontée à de nouveaux obstacles.

 

« L’enseignement, à partir de la maison est difficile et étrange. La musique, c’est avant tout le contact et l’écoute, alors lorsque l'audition se fait via un ordinateur ou un téléphone, c’est loin d’être optimale », dit-elle. « Vous devez aussi regarder la position de l’élève, évaluer sa respiration, c’est quasiment impossible au travers de l’écran d’un téléphone. »

Elle reste cependant optimiste quant à la situation. « Malgré tout, je pense qu'ils font un excellent travail et qu’ils apprennent, par défaut, à être aussi autonomes que possible. Un aspect musical essentiel. »

 

C’est ce dévouement infatigable à la poursuite des performances historiques qui a permis à Indira d’être approchée par la Fondation Mount Parnassus. Elle n'avait pas croisé le chemin de Catalina Guevara Klein, sa fondatrice, depuis leur collaboration une dizaine d’années auparavant. « En musique, ce qui est bien c'est qu’on se fait de très bons amis, d’excellents collègues et le temps passe… jusqu’au jour où ils vous appellent avec une idée en tête », résume-t-elle.

La hautboïste a hâte de reprendre la musique de chambre, ses concerts soliste baroque et moderne, annulés en raison de la pandémie. « Être une artiste, au Costa Rica ou ailleurs sur la planète, est une situation périlleuse pendant la pandémie.

 

Continuer à jouer, enseigner et développer des projets artistiques est le meilleur moyen de résister et d'apporter de la lumière dans ses sombres périodes. »

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Crédit photo : Pablo Vargas Unfried

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