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Crédit photo : Sergio Veranes

Jessica Korotkin

Violoncelle Baroque

 

Texte original de Jill Girgulis

Traduction en français par A.Barbet 

Entretien réalisé en Mars 2021
Publié en Juin 2021

On peut dire que la violoncelliste baroque Jessica Korotkin a eu de l’intérêt pour son instrument tardivement. Enfant, c’était surtout le théâtre, le jeu d’actrice, et le mannequinat qui l’animaient. Ce n’est qu’après avoir assisté à une représentation de violoncelle lors d’une représentation à l’école secondaire, pendant sa troisième année, qu’elle a réellement envisagé d’essayer la musique, et plus particulièrement le violoncelle.


« J’en ai eu le souffle coupé », se souvient-elle à propos de cette performance. « J’ai trouvé un professeur qui était prêt à m’aider à préparer les auditions du conservatoire alors que je n’avais que 17 ans. À cette époque, je ne savais même pas lire la musique... J’avais l’impression de devoir rattraper mon retard sur tous ces enfants qui étudiaient leur instrument depuis l’âge de trois ans ! ».


Jessica Korotkin avoue qu’elle était « totalement perdue » à l’époque où le violoncelle est entré dans sa vie. Néanmoins, en deux ans et grâce à la musique, elle a étudié en licence de violoncelle moderne au Peabody Institute de Baltimore, dans le Maryland. C’est à ce moment-là qu’elle a aussi commencé à s’intéresser à la musique ancienne. Elle ajoutera finalement une mineure en interprétation historique à son diplôme de premier cycle.


« Je savais que j’aimais jouer du violoncelle, mais je ne savais pas exactement quelle voie professionnelle je voulais suivre », dit-elle. « Une fois entrée au conservatoire, il était clair pour moi que la voie orchestrale n’était pas nécessairement celle qui me convenait le mieux, et encore moins celle de soliste. »


Alors qu’elle était encore à la recherche d’un moyen pour mieux exprimer sa relation avec l’instrument, Jessica Korotkin a été initiée à la musique ancienne de façon informelle lors de sa seconde année de collège.

« À l’époque, je ne connaissais rien à la musique ancienne », admet-elle avant d’expliquer comment elle est passée de l’essai désinvolte d’instruments historiques à la découverte de sa place dans le monde baroque, grâce à sa relation avec un claveciniste. « Cette idylle n’a pas duré, mais mon amour inconditionnel pour l’instrument est toujours là ! ».

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La musique baroque était au départ un condensé de tout ce qui avait attiré Jessica Korotkin vers la musique. Elle a d’ailleurs rapidement réalisé que c’était un ajustement naturel.

« La période baroque est souvent considérée comme l’âge d’or de la rhétorique, et le style musical est censé être très expressif et dramatique », explique Jessica Korotkin. Elle souligne également que le rôle du violoncelle dans la musique baroque est principalement un rôle de soutien. « Être le ciment qui nous maintient ensemble, c’est un rôle que j’aime vraiment jouer dans la musique. »

Après avoir obtenu son diplôme de Peabody, elle poursuit ses études supérieures, obtenant d’abord une maîtrise au Conservatoire de musique d’Oberlin, dans l’Ohio, avant de se lancer dans un doctorat à l’Université McGill de Montréal, au Québec. Jessica Korotkin est actuellement en deuxième année et venait de terminer ses cours au moment de l’entrevue. Son sujet de recherche principal est centré sur l’interprétation de ses compositions originales au violoncelle baroque inspirée de la méthode des fugues de Bach.

Crédit photo : Sergio Veranes

« Il ne s’agit plus d’effectuer uniquement des recherches dans les archives », explique-t-elle. « Dans mon projet, j’apprends à composer dans le style de Bach, et cela me permet d’avoir une perspective qui m’est propre sur le compositeur, et cela ne peut se faire qu’en passant par la recherche pratique. »

Pour sa thèse, la violoncelliste baroque écrit essentiellement six suites pour violoncelle supplémentaires dans le style de Bach, en prenant ses cantates et en les transformant en une ligne mélodique de violoncelle, tout en visant à préserver les qualités polyphoniques de la musique.  

« Vous pouvez faire une recherche originale tout en créant une œuvre qui vous ressemble. Je me sens investie lorsque je suis capable de partager quelque chose que j’ai composé. Même si c’est dans le style de Bach - c’est quelque chose que j’ai créé. Ce n’est pas Bach qui l’a écrit », souligne l’artiste. « C’est quelque chose que je peux m’approprier et utiliser pour alimenter ma compréhension quant à l’interprétation de la musique de Bach, ce qui est formidable, car j’adore Bach ! »

Tout au long de son doctorat, Jessica Korotkin a travaillé en étroite collaboration avec sa professeur Susie Napper. Son approche interdisciplinaire visant à partager la musique baroque avec un public plus large a attiré l’attention de la musicienne alors qu’elle cherchait un programme de doctorat.

 

« Je me suis demandé qui me soutiendrait vraiment et voudrait m’aider avec des concepts plus radicaux liés à l’interprétation historique... J’ai finalement trouvé Susie Napper », explique-t-elle. « Surtout en tant qu’artiste tardive, je suis reconnaissante du soutien de ma famille, de mes amis et de ma professeure. J’espère pouvoir être un jour la “Susie Napper” de quelqu’un d’autre ». Il est clair que Susie Napper — dont la carrière est centrée sur la composition de musique nouvelle dans des styles baroques, la reconstitution d’œuvres perdues et la revitalisation d’œuvres historiques — a été une mentore très positive dans la vie de la musicienne.

« J’aime beaucoup qu’elle adopte cette nouvelle approche de l’interprétation de la musique ancienne, avec la liberté de ramener ces techniques d’interprétation historiques pour essayer de les rendre aussi pertinentes que possible aujourd’hui », dit Jessica Korotkin. 

Dans le cadre de son projet visant à accroître la pertinence de la musique ancienne, l’artiste cherche toujours à établir un lien relatif, une connexion avec l’être humain.

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Crédit photo : Sergio Veranes

« Si vous ne pouvez pas présenter la musique d’une manière qui soit intéressante pour le plus grand nombre, alors je ne pense pas qu’elle soit importante et je ne pourrais pas m’y connecter personnellement. Et si je ne peux même pas m’y connecter, en tant que personne qui la joue, alors je ne peux pas m’attendre à avoir l’intérêt de mon public », souligne-t-elle. « Quelle que soit la fin de ma carrière, je veux qu’elle représente cette fusion de la musique historique et la musique contemporaine, avec comme plus large souhait d’être en cohésion avec le public le plus honnêtement possible. »

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